Une précieuse seconde vague

Après les chèvres et les chevaux, les chiens. Elle aussi restait sur le qui-vive, peu habituée aux molosses capables de vous traîner par la jambe si le besoin s'en faisait sentir. D'autant qu'elle avait beau être grande, elle n'était pas foncièrement épaisse, et rien que d'imaginer cette gueule là se refermer autour de son mollet... Brr.
Non, au village, elle avait été plutôt habituée aux chiens de troupeau et autres ratiers, et quelques rares chiens de chasse. Cela dit, elle les aimait plutôt bien, et après tout, elle ne doutait que peu qu'ils se montrent extrêmement utile à un chevalier. Aussi, la question d'Ingeburge ne tomba pas dans l'oreille d'une sourde, et elle attendit la réponse d'Axel.

Oh mon ange je suis contente que tu nous rejoignes !

Je crois en effet que nos jeunes recrues sont intéressées par tes pensionnaires. Dis j'espère ne pas m'être trompée en disant que si elles faisaient montre d'une implication indéniable elles pouvaient prétendre à travailler avec un des tes gros bébés.

Disant cela elle s'amusa de voir Doss qui avait repris le balayage de poussière à l'approche de Thibérian. En meme temps qui résisterait à pareille montagne n'est-ce pas?






(on pourra continuer ici après notre passage au chenil
https://ordredelalicorne.forumactif.com/t4962-rp-petite-pause-durant-la-visite#135734)

Nourrir les chiens ? Allez. Elle n'allait pas rechigner à la tache dès le premier jour, et puis effectivement, ce serait une occasion de voir si elle pourrait bien s'entendre avec les protégés du chevalier. Elle bredouilla quelques mots d'acceptation, récupéra une écuelle et plongea la main dans le sac, pour en sortir quelques poignées de viande et autres joyeusetés. Et une telle vision lui faisait un peu mal au cœur, quand elle pensait que d'autres, au village, étaient réduits à manger bien moins que les chiens de la Licorne. Qu'elle-même avait souvent été dans ce cas. Mais elle sourit, en se félicitant de sa décision. Elle était là, mangeait à sa faim, et apprenait à devenir chevalier. Que demander de plus ?

Gamelle pleine, elle se tourna vers Thibérian, lui montrant le résultat.

Ce n'est pas trop ?

Qu'est-ce qu'elle en savait elle, hein ? Les chiens, normalement, ça mange les restes. Quand il y en a.

Le Baccard manqua d'éclater de rire quand il vit la jeune femme plonger les mains dans la bidoche en mode sans pitié, décidemment celle ci n'avait pas froid aux yeux ! Elle devait être habituée aux travaux ingrats pour mettre la main à la pâte si facilement car même si c'est de la viande crue qui se trouve dedans c'est surtout des abats et découpés qui plus est, la mixture n'était pas une bouillie mais elle n'en était pas non plus si loin !
Très amusé il regarda la jeune femme et fit un signe de dénégation :

Non, attend je vais t'expliquer.
Pour le repas, j'utilise la balance qui se trouve à côté des cages.

Pour faire un petit tour du proprio, il faut imaginer une écurie avec des box spacieux et réaménagés, les portes devenant des barrières, le tout formant des cages mais néanmoins spacieuses où se trouvait le couchage de chaque animal et la place pour jouer avec des bouts de cordes et manger, bien qu'un abreuvoir demeure dans la cour. Une grosse balance de fer noir grossièrement forgé se trouvait à côté et c'est celle ci qu'il montrait, à côté de celle ci étaient épilées les auges en bois, gravées au nom de chaque chien par pure maniaquerie.

S'approchant avec le groupe de l'ustensile il montra le poids de plomb qu'il utilisait.

Ce poids fait légèrement plus d'une livre, je l'ai calibré pour être ma valeur de base même si selon les chiens je suis obligé de tricher un peu.
En gros je rationne chaque chien par rapport à son poids, mon ration de base c'est une ration de une livre pour 50 livres de masse.

Donc un chien comme Andossus qui est notre gros bébé pèse 170 livres environs, chaque jour il doit donc manger trois rations d'une livre calibrée avec ce poids et avec un peu de rab...Après selon les effets, on voit s'il grossit ou s'il maigrit et on adapte, à l'usage on apprend à connaitre chaque chien et ses besoins personnels. Andossus je prend en compte le nombre de friandises qu'il reçoit de sa maitresse, car le dressage implique des friandises et il faut les prendre en compte. Vu ses rations j'aime bien lui donner en trois repas par jour, ou en deux à la rigueur.
Notre "nabot" si j'ose dire c'est...

Réfléchissant en tentant de se remémorer les chiffres...Mais rien ne venant il fit rapidement le tour des box, lisant les ardoises fixées sur chacun et répondit enfin :

...Andraste, notre femelle cane corso, compagne fidèle de Kenawee.
Elle ne pèse "que" 83 livres, pour le chenil c'est un poids plume.
Je lui donne donc chaque jour un peu plus d'une ration et demie.
En général je lui donne en une fois, voir en deux mais pas bien plus.

Il sourit en les voyant digérer l'information et les rassura :

Mais je vais m'occuper du rationnement ne vous en faites pas, c'est mon travail, ainsi que celui de ceux qui travaillent ici et des maitres s'ils souhaitent s'y interesser.
Faites simplement le tour des cages, faites connaissances si ça vous intéresse et vous me direz qui vous voulez nourrir.

Je vais vous montrer comment je veux que vous vous y preniez.

Il calibra donc une ration pour son propre petit adopté récent, le jeune berger d'Anatolie ou kangal nommé Taranis.
Il pesa soigneusement la bouffe en s'assurant qu'il y ait suffisamment de compléments en os et légumes, trois rations tout net pour ce chien qu'il nourrissait déjà trois fois par jours...beau bébé faut admettre !
Une fois la mixture dans l'auge il se leva et reprit :

Bien voila la façon de faire.

Il débloqua le loquet maintenant la cage fermée et reprit :

La porte se pousse, cela permet de faire reculer le chien quand vous entrez pour l'empêcher de s'engouffrer, vous la poussez au minimum et vous mettez directement votre jambe pour interdire le passage, une fois passé vous refermez derrière vous.

Il montra l'action et se retrouva dans la cage de Taranis qui était littéralement comme un dingue en voyant de la compagnie et surtout en sentant de la barbaque ! Le chien courait limite sur les murs, faisant trembler la structure par son poids, il tournait sur lui même et roulait au sol et il sautait, parfois sur le montagnard qui ne montra aucun signe d'affection et lança un "NON" autoritaire à chaque saut sur lui, il reprit pour les jeunes femmes :

Certains comportement sont à proscrire, ces chiens peuvent vous mettre au sol par leur poids, le saut sur les gens doit être fermement réprimé. Un "non" ferme à chaque occurrence associé à une ignorance de sa joie lui fera comprendre plus rapidement que n'importe quel coup, laissez le décharger son excédent d'énergie et il aura bientôt comprit. Mais cela fait partie du débourrage, je les aurais débarrassé de ce comportement avant même que vous ne puissiez en avoir un, je vous explique des généralités pour rebondir sur la responsabilité, imaginez ce chien jouer ainsi avec un enfant que vous croiseriez en mission, ça n'a aucune chance de bien se terminer.

Il attendit donc patiemment, résistant avec autant de stoïcisme possible aux assaut du chien chancelant à chaque fois malgré ses propres 220 livres personnelles...Axel aurait été mise sur orbite déjà.
Quand Taranis fut un peu calmé, le Baccard dit distinctement :

Assis !

En le faisant il fit passer l'écuelle par dessus le museau du chien pour qu'il soit forcé de s'asseoir afin de pouvoir continuer à la dévorrer du regard. Puis à l'attention des jeunes femmes il reprit :

C'est un exercice simple à faire à chaque fois, il permet d'éduquer l'animal en associant des mots clés à un comportement que vous voulez qu'il adopte, il y a plusieurs manières de le faire, le plus simple sont les manières mécaniques comme celle ci car le chien la morphologie du chien vous aide à aller là où vous voulez.

Taranis était assis et bavait abondamment en regardant la gamelle, il ne bougeait plus à présent, le montagnard reprit distinctement :

C'est bien !

Là il caressa l'animal et le gratouilla derrière les oreilles puis lui donna enfin sa gamelle, qui ne fit clairement pas long feu !

Pendant que le chien mangeait, Thib reprit :

Pour sortir c'est comme pour entrer, on fait attention ! On tire la porte juste ce qu'il faut et on se glisse pour ne pas laisser la moindre fenêtre d'évasion.

Ayant exécuté, il referma le loquet et regarda son compagnon d'un air amusé.

Bon garçon !

Puis il revint aux jeunes femmes et reprit enfin :

Alors, qui veut essayer ? Les intéressées peuvent faire le tour des cages et si vous sentez bien un animal je vous fais sa gamelle.

Elle opina en le regardant faire. Elle n'était pas étrangère au fonctionnement d'une balance, loin de là, ce qui l'intéressait donc surtout c'était la quantité qu'il prévoyait pour chaque chien. En fonction de la taille, donc. Ça faisait sens. Et même si les morceaux étaient bas (mais rien qui n'aurait servi à aromatiser une soupe en période de disette !), de telles gamelles, trois fois... Pfiu !

Attentive, elle le regarda nourrir la bête, dont le dressage n'était de toute évidence pas terminé. Se faxer par l'ouverture de la stalle, c'était faisable, ne pas vaciller quand l'autre vous faisait la fête, ça... Mais elle souriait néanmoins, et à son invitation, alla faire un rapide tour du chenil. A vrai dire, elle n'hésita pas très longtemps, fixant son choix sur le second berger d'Anatolie, Minerva. Le molosse était énorme, mais Dieu savait pourquoi, elle lui trouvait une bonne tête.

Alors elle s'approcha du Baccard, et osa :

J'aimerais nourrir celui-ci, en la désignant de l'index.

Advienne que pourra !

Minerva.

Elle répète, bien loin d'imaginer toute la charge symbolique qu'un tel nom comporte. Elle ne savait ni ce que voulait dire mythologie, ni gauloise, mais le moment était malvenu pour interroger le dictionnaire, et elle était encore bien trop intimidée par Thiberian pour faire ne serait-ce que la moindre chose qui pourrait la faire se distinguer à ses yeux. Cela ne changerait de toute façon rien à la suite, et la grande perche saisit la gamelle tendue, pour s'approcher à nouveau de son box.

De sa main libre elle pousse la porte et se faxe dans l'entrebâillement, refermant la grille derrière elle d'un geste du pied. La chienne ne tenta de toute façon même pas de s'échapper, bien trop excitée par l'odeur de la barbaque qu'elle transportait, et curieuse de celle qui la charriait. Concert d'aboiements, et comme prévu, elle sauta, posant ses deux pattes avant sur le torse de la Normande qui, même préparée, n'en fut pas moins un tantinet déséquilibrée, et se retint dos contre la grille. Alors Polonius de mettre en application les instructions données, levant l'écuelle hors de portée de Minerva, et se fendant d'un "non" ferme. La tentative fonctionna, le chien redescendit, et l'humaine en fut quitte pour un sourire.

La faire asseoir fut une autre paire de manches. Minerva ne tenait pas en place, trop occupée à la renifler et à sautiller sur place d'excitation ; elle dut s'y reprendre à trois fois avant de réussir son ordre. Félicitations données avec un sourire sincère et quelques gratouilles, puis enfin, le graal, la récompense, la gamelle qu'elle posa au sol, et sur laquelle l'autre se rua instantanément et qu'elle gloutonna en quelques minutes, se gardant un bon bout d'os pour plus tard.

Elle pensait en avoir terminé. Grossière erreur. Quand elle posa un genou à terre pour récupérer la gamelle, la chienne en profita pour décider que c'était le moment de jouer un peu, et sauta sur sa nouvelle copine en aboyant gaiment. Déséquilibrée, Popol se retrouva les fesses par terre, et le mastodonte de lui lécher généreusement le visage. Elle eut un instant de flottement. Aurait pu céder à la peur, personne sans doute ne lui en aurait voulu. Mais à la place, elle le donna au rire. Cette énorme langue baveuse. L'haleine de poney. Et elle resta ainsi quelques secondes, le temps que sa joie s'éteigne, et qu'elle soit en mesure de reprendre les instructions de Thibérian.

Minerva ! Non !

La chienne se calma un peu, suffisamment pour qu'elle puisse la prendre par le collier et l'éloigner d'elle.

Non.

Elle arrêta sa fête et s'assit même, un peu décontenancée. Cela laissa à la Normande le temps de se relever, et de la féliciter d'une nouvelle caresse. Puis, sans demander son reste, histoire d'éviter que cela ne dégénère à nouveau, la brune reprit le chemin inverse, sortant de la stalle en vitesse, le visage toujours luisant de bave de chien, qu'elle finit par essuyer d'un revers de manche.

Eh béh mazette, fut son seul commentaire.